6 février 2015
Washington DC, États-Unis, 5 février 2015 – Sa Sainteté le Dalaï Lama a participé aujourd’hui en tant qu’invité d’honneur à la réception organisée chaque année le premier jeudi de février à Washington DC, le National Prayer Breakfast, ou Petit-déjeuner de prière national. Sa présence constitua le point de mire des journalistes. Quand le Sénateur présidant la réception présenta Sa Sainteté, le Président Obama l’a regardé, a joint les mains et l’a salué d’un mouvement de tête et d’un sourire. Il lui a ensuite rendu hommage dans son discours d’accueil :
Sa Sainteté le Dalaï Lama écoutant le Président américain Barack Obama pendant son discours lors du National Prayer Breakfast à Washington DC le 5 février 2015. Photo/AFP |
« Je suis particulièrement heureux d’accueillir un vieil ami, Sa Sainteté le Dalaï Lama, qui est un exemple éloquent de ce que signifie pratiquer la compassion et qui nous inspire à défendre la liberté et la dignité de tous les êtres humains. Je l’ai accueilli à la Maison blanche. Peu d’occasions seraient susceptibles de réunir Sa Sainteté et Darrell Waltrip dans une même pièce. »
Cette remarque a engendré rires et chaleureux applaudissements. Valerie Jarrett, conseillère éminente à la Maison blanche, s’est assise à la table de Sa Sainteté pendant que le Président parlait. Barack Obama a ensuite condamné ceux qui utilisent la religion comme justification à la violence. Il a appelé les hommes de toutes croyances à faire preuve d’humilité sur leurs convictions et à rejeter la notion selon laquelle « Dieu ne parle qu’à nous et ignore les autres. »
Au terme du petit-déjeuner, Sa Sainteté a rencontré en privé plusieurs membres du Congrès.
Après le déjeuner, Sa Sainteté a rencontré un groupe de l’Institut américain pour la paix (US Institute of Peace), dont le bâtiment est situé en face du Département d’État. Il s’est adressé en ces termes à Nancy Lindborg, qui occupait depuis seulement trois jours les fonctions de cinquième président de l’Institut :
Sa Sainteté le Dalaï Lama rencontre un groupe de l’Institut américain pour la paix à Washington DC le 5 février 2015. Photo/Jeremy Russell/OHHDL |
« Pour essayer de créer la paix, nous devons cultiver la paix intérieure. Faire des gestes comme libérer des colombes ou même prier Dieu ou Bouddha ne suffira pas. Nous devons éduquer les gens à développer la paix intérieure. Ce processus est long. Même en s’y attelant maintenant, il est possible que je n’en voie pas les résultats de mon vivant. Mais la situation dans des pays tels que la Syrie et l’Irak est si difficile que nous devons trouver de nouvelles manières pour rapprocher les peuples actuellement en conflit. Cela nécessitera une grande détermination. »
Mme Lindborg a demandé s’il avait des conseils concrets spécifiques à donner et Sa Sainteté a suggéré de créer des filiales de l’Institut américain pour la paix ailleurs dans le monde. Il a indiqué qu’un bureau en Afrique du Sud serait peut-être en mesure d’assurer une coordination plus étroite avec les Africains, qu’un autre en Jordanie pourrait travailler avec les peuples du Moyen Orient. Les yeux pétillants, il a alors ajouté :
« Et bien entendu, ensuite à Moscou et en Chine ; la Chine évolue mais cela prendra du temps. »
Sa Sainteté le Dalaï Lama se joignant à la Communauté musulmane américaine pour une discussion de groupe sur le « Service en action » à Washington, DC le 5 février 2015. Photo/Jeremy Russell/OHHDL |
Sa Sainteté a ensuite participé à une discussion de groupe organisée par l’Organisation pour le développement des sociétés en transition, (en anglais, Development Organization for Societies inTransition, DOST, qui signifie « ami » en plusieurs langues). Organisée sous la forme d’un dialogue entre Sa Sainteté et la Communauté musulmane américaine, le thème de la discussion était « Service en action ». Les participants comprenaient le Sheikh Al-Sahlani, représentant général de Son Éminence le Grand Ayatollah Sayyid Ali Al-Sistani et directeur de la Fondation Al-Khoei à New York ; Mme Manal Omar, Vice-présidente par intérim du Centre pour le Moyen Orient et l’Afrique à l’Institut américain de la paix ; M. Anwar Khan, l’un des fondateurs d’Islamic Relief USA ; Mme Humera Khan, Directrice exécutive de Muflehun, un groupe de réflexion axé sur la prévention de la radicalisation et la lutte contre l’extrémisme violent. La discussion a été présentée par Mme Amber Jamil, Vice-présidente de DOST, et animée par M. John Pinna, Directeur exécutif de DOST.
Invité à ouvrir le débat, Sa Sainteté s’est exprimé ainsi :
« Un an après les événements du 11 septembre, je me trouvais ici à Washington et j’avais été invité à la messe de commémoration à la Cathédrale nationale. À l’époque, j’avais clairement indiqué que les actes violents de personnes issues de milieu islamique ne devaient pas porter préjudice à l’ensemble d’une communauté. J’avais dit que c’était une erreur de faire une généralisation portant sur 1 milliard de croyants sur la base des actions de quelques individus malveillants. Je ne suis pas musulman, je suis bouddhiste, ai-je déclaré alors, mais l’Islam est l’une des religions les plus importantes du monde. »
« Mes amis musulmans m’ont assuré qu’un bon musulman doit étendre son amour à toutes les créatures d’Allah. En revanche, celui qui verse le sang n’est plus un vrai musulman. Concernant le terme jihad, il fait en réalité référence à la lutte contre nos émotions destructrices. Il me semble donc que les gens comme moi sont chaque jour engagés dans un jihad ! »
Sa Sainteté a insisté la nécessité de clarifier les malentendus ayant surgi à propos de l’Islam. Il a également rapporté qu’il avait écrit au Président Bush (qu’il considère comme un ami personnel) au lendemain du 11 septembre pour lui exprimer ses condoléances mais aussi son espoir que la réponse à la tragédie serait une réponse non-violente. Sa Sainteté a expliqué que la motivation d’introduire la démocratie en Irak était louable, mais que recourir à la force pour l’imposer était une erreur. En fin de compte, davantage de gens souffrent. Il a souligné que la façon dont le public percevait l’Islam et les musulmans était erronée et que cela devait changer.
« Il est inadmissible » a-t-il indiqué, « que des personnes voyant le turban du Sheikh ici présent puissent penser qu’il s’agit d’un homme dangereux. »
Le Sheikh Al-Sahlani a acquiescé en disant que l’Islam est une religion empreinte de miséricorde et qu’un aspect de cette miséricorde est de vouloir tout faire pour aider les autres. Comme il l’a précisé :
« Je suis originaire d’Irak mais ce pays est devenu un lieu de terreur. Ceux qui violent les règles de l’Islam, précisément en son nom, sont les plus grands ennemis de l’Islam. »
Sa Sainteté a été invité à rappeler l’histoire d’un ami, un journaliste indien, qui avait été en Iran après la révolution et le retour de l’Ayatollah Khomeini. Alors que le monde extérieur observait la situation avec anxiété, il avait été impressionné sur place d’être personnellement témoin de la manière dont les mollahs acceptaient les dons en provenance des riches et distribuaient l’argent aux pauvres.
Répondant à une question à propos de la rééducation du public sur le sens véritable de jihad, Mme Manal Omar a indiqué que le meilleur moyen d’y arriver était de montrer l’exemple et d’aider la communauté musulmane. En réponse à une autre question sur les limites à la liberté d’expression, M. Anwar Khan a précisé qu’avoir la liberté d’offenser les autres ne voulait pas dire qu’il faille le faire. À la suite de quoi Mme Manal Omar a ajouté :
« Lorsque quelqu’un agit mal, nous devrions réagir d’une manière plus intelligente. »
- John Pinna a mis un terme à la réunion, en informant l’audience qu’afin d’associer les coutumes tibétaines et islamiques, le Sheikh Al-Sahlani allait dire une prière pour la bonne santé et la longue vie de Sa Sainteté le Dalaï Lama ainsi que pour le bien-être de la communauté musulmane. Pour conclure, un certificat signé par l’ensemble des participants fut offert à Sa Sainteté en souvenir de la réunion ainsi qu’un chapeau ethnique Balti.***
Sa Sainteté le Dalaï Lama est salué par plus d’un millier de Tibétains et d’admirateurs lors de son arrivée à son hôtel à Bâle (Suisse), le 6 février 2015. Photo/Jeremy Russell/OHHDL |
Peu après, Sa Sainteté a rejoint l’aéroport international de Washington Dulles pour prendre un vol à destination de Zurich. Arrivé dans la grisaille d’une froide matinée d’hiver, il traversa en voiture les paysages enneigés de la Suisse jusqu’à la ville de Bâle, sur les rives du majestueux Rhin. Plus d’un millier de Tibétains lui avaient préparé un accueil enthousiaste devant son hôtel, avec musique, chants et danses, drapeaux tibétains et sourires radieux. Il les a salués avec joie en joignant les mains avant d’aller se reposer pour le reste de la journée. Il donnera demain un enseignement sur le Commentaire sur la Bodhicitta de Nagarjuna et Les huit versets de l’entraînement de l’esprit de Geshe Langri Thangpa au St. Jakobshalle situé à proximité.