Déclaration du Sikyong (chef politique) à l’occasion du 57ème anniversaire du soulèvement national tibétain
Nous commémorons aujourd’hui le 57ème anniversaire du soulèvement pacifique de 1959 contre l’invasion chinoise et l’occupation du Tibet. En cette occasion, mes collègues du gouvernement et moi-même voudrions rendre hommage et prier pour tous ces braves hommes et femmes qui ont donné leur vie pour la juste cause du Tibet. Nous voulons exprimer notre solidarité à tous ceux qui continuent à souffrir de la répression sous le régime chinois.
Cela dure depuis maintenant des décennies et le Tibet est toujours sous contrôle chinois. Les Tibétains ont réussi à maintenir leur identité et leurs valeurs culturelles en dépit de conditions de vie extrêmement difficiles. Les nouvelles générations, s’inspirant des sacrifices accomplis par leurs aînés, ont pris la responsabilité de se battre pour la cause tibétaine. Le courage et la conviction de nos frères au Tibet méritent nos louanges et notre admiration.
Le gouvernement chinois répète indéfiniment que le bonheur et la prospérité règnent dans ce nouveau Tibet mais la vérité est toute autre. Dans tous les lieux habités par des Tibétains, ceux-ci sont privés de droits fondamentaux et sont maintenus sous stricte surveillance. Ceci est encore plus probant si l’on prend en compte les interdictions de voyage et de déplacements imposés aux Tibétains.
Je me tiens devant vous afin de vous informer que la situation au Tibet est sinistre. Le peuple tibétain continue d’être privé de ses droits fondamentaux et quiconque fait référence à la liberté de culte est souvent condamné sous prétexte politique et puni de façon très dure. La possession même d’une image de Sa Sainteté le Dalaï-Lama est passible d’arrestation et de peine de prison. Les dépositaires de la culture bouddhiste sont étroitement surveillés, moines et nonnes risquent l’expulsion de leur monastère pour « non-dénonciation » de leur chef spirituel. En ce moment, les Tibétains vivants dans la « Région Autonome du Tibet » ainsi que ceux des autres régions sont soumis à un durcissement de la situation. Cette réalité est corroborée par les organisations humanitaires. Le rapport de la « Freedom House » en 2016 a inscrit le Tibet comme le second pays du monde en matière de privation de liberté. Quant à Human Rights Watch, il rapporte qu’un programme d’intense surveillance est appliqué à tous les villages au Tibet. Le Parlement européen, dans son rapport sur les relations UE-Chine de décembre 2015, a clairement exprimé son inquiétude quant au manque de liberté de culte et de liberté de déplacement au Tibet. Le peuple tibétain dans son ensemble vit donc dans la peur et l’insécurité.
Ces derniers temps, le traitement des minorités nationales par les autorités chinoises, y compris le peuple tibétain, souffrent de désintérêt et d’aliénation. L’action des Chinois en ce qui concerne la possession et la direction de l’hôtel de Rebkong (ch Tongren) dans la Province du Quinghai rencontre une forte opposition et des protestations quand il bannit les employés qui parlent tibétain. Le 22 décembre 2015, un dirigeant ethnique reconnu a exprimé son inquiétude quant à la prédominance de la discrimination lors d’un meeting durant lequel il a fait référence au fait que certaines personnes aux racines ethniques souffraient de discrimination et même de rejet dans certains services. Il a rapporté que ces problèmes en généraient d’autres, sociaux ceux-là, ainsi que de fortes réactions politiques dans les régions « ethniques ». Comme la politique du gouvernement chinois en général, les remarques de certains dirigeants, notamment comme ceux qui ont qualifié un groupe ethnique dans son ensemble de « séparatistes », ont les mêmes effets. De telles remarques ont soulevé de vives réactions de la part d’universitaires et d’intellectuels qui y ont répondu par des écrits virulents.
Les environnementalistes et les scientifiques ont reconnu l’importance du plateau tibétain comme le troisième réservoir de glace et la source de dix des fleuves qui alimentent les pays environnants. Il faut répéter que le prélèvement forcené des ressources naturelles du Tibet, sa déforestation implacable, la construction de barrages, le retrait des glaciers etc ont sans aucun doute causé des dommages irréparables à son environnement qui, à son tour, affecte tout l’environnement du continent asiatique. Constatant l’impérieuse nécessité de protéger l’environnement du Tibet, nous avons constamment soulevé ce problème lors de conférences internationales sur les changements climatiques. L’année dernière, l’Administration Centrale Tibétaine a présenté, lors de la COP21 à Paris, un réquisitoire accompagné d’un plan en 10 points, expliquant en quoi le plateau tibétain concernait le monde entier et appelé le gouvernement chinois et la communauté internationale à prendre des mesures immédiates afin de le protéger.
Nous, le Kashag (cabinet des ministres) de l’Administration Centrale Tibétaine, pensons que le long conflit au Tibet et sa résolution ne peuvent être obtenus que dans un face-à-face entre les représentants de Sa Sainteté le Dalaï-lama et le gouvernement chinois. Nous confirmons être toujours en accord total avec la Voie Médiane qui demande une réelle autonomie pour le peuple tibétain. Cette Voie Médiane ne demande en aucun cas la séparation du Tibet d’avec la Chine. En fait, notre position est claire et connue des autorités chinoises concernées. Espérons que les dirigeants à Pékin reconnaîtront cette approche au lieu de la déformer et qu’ils feront un pas pour engager le dialogue avec les représentants de Sa Sainteté le Dalaï Lama.
À ce sujet, le Président Barak Obama, lors d’une conférence de presse conjointe avec le Président Xi Jinping à Rose Garden le 25 Septembre 2015, a dit : « Nous continuons d’encourager les autorités chinoises à préserver l’identité culturelle et religieuse du peuple tibétain et à entrer en relation avec le Dalaï Lama ou ses représentants. La préoccupation et le soutien du gouvernement Américain ont été amplement démontrés par les visites à la communauté tibétaine en Inde de Mme Sarah Sewall, coordinatrice spéciale pour les questions tibétaines et sous-secrétaire à la sécurité civile, à la démocratie et aux Droits de l’Homme du Département d’État. Le Kashag remercie profondément les États-Unis de son soutien et de sa solidarité car il apporte espoir et courage au peuple tibétain.
La Chine revendique le droit d’identifier la réincarnation du chef spirituel tibétain. C’est un mensonge flagrant car elle est basée sur une histoire falsifiée. Le pouvoir et l’autorité aptes à décider de la réincarnation du Bouddha de Compassion, protecteur du Tibet et sauveur incarné dans un corps humain est l’apanage du seul Dalaï-lama. Personne d’autre que lui n’en a le droit. Concernant la reconnaissance de la réincarnation, Sa Sainteté le Dalaï-lama a clairement indiqué la marche à suivre dans sa déclaration du 24 Septembre 2011 : « Quand j’atteindrai 90 ans, je consulterai des grands lamas (maîtres) de la tradition bouddhiste tibétaine, le peuple tibétain et d’autres personnes concernées qui suivent la voie du bouddhisme tibétain. Nous déciderons alors si l’institution des Dalaï-lamas doit continuer ou pas sur ces bases. S’il est décidé que la réincarnation du Dalaï-lama doit continuer et qu’un XVème Dalaï Lama est nécessaire, la responsabilité en incombera au personnel du Dalaï Lama de la fondation Gaden Phodrang. Ils devront consulter les chefs de la tradition bouddhiste tibétaine ainsi que les protecteurs du Dharma qui ont prêté serment et sont inséparables de la lignée des Dalaï Lamas. Ils devront chercher conseil auprès de ces derniers et mener les procédures de recherche et de reconnaissance en accord avec la tradition passée. Je laisserai des instructions claires à ce sujet. Gardez à l’esprit que, hormis la réincarnation reconnue par cette démarche légitime, aucune réincarnation ou acceptation ne doit être donnée à un candidat choisi pour des raisons politiques par qui que ce soit, y compris la RPC ».
Nous avons vraiment été transportés de joie de voir le profond respect, la révérence et l’enthousiasme avec lesquels les Tibétains de l’intérieur et de l’extérieur du Tibet, les amis et sympathisants dans le monde entier ont célébré les 80 ans de Sa Sainteté le Dalaï Lama. Le plus récent et le plus important des événements à eu lieu à Delhi en présence de l’ancien Premier Ministre, le Dr. Manmohan Singh, l’ancien député Premier Ministre Shri L. J. Advani, les anciens ministres Dr. Karan Singh, Dr. P. Chidambaram et d’autres éminentes personnalités représentants le peuple indien. À cette occasion, le Dr. Manmohan Singh a fait référence au Dalaï Lama en l’appelant avec révérence « le don de Dieu au monde ».
Les actions multiples ou les réalisations de Sa Sainteté le grand XIVème Dalaï Lama ne sont pas mentionnées car elles sont connues du monde entier. Cependant, à une période où le bouddhisme traverse une période difficile, les fidèles soutiens et les pratiquants du bouddhisme devraient être pleins de reconnaissance pour la précieuse occasion qui leur est donnée de recevoir l’enseignement des 18 grandes étapes du chemin vers l’éveil (lamrim), enseignement prodigué de façon méticuleuse et efficace par Sa Sainteté le Dalaï Lama ces dernières années. Un tel exploit est sans précédent dans toute l’histoire du Tibet et qui doit y être gravé en lettres d’or. Nous sommes heureux de partager avec vous l’excellente nouvelle du retour prochain de Sa Sainteté le Dalaï Lama à Dharamsala après avoir suivi un traitement médical avec succès aux États-Unis.
Après la transmission du pouvoir politique et administrative aux élus, le 14ème Kashag, dirigé par moi-même, arrive à son terme. Des efforts concrets ont été formulés afin d’accroître la sensibilisation internationale et soutien pour le Tibet, d’apporter des améliorations dans l’éducation des enfants tibétains et à la stabilité des camps de réfugiés, entre autres. La décision de décerner le « Geshema Degree » aux nonnes est une décision historique. Nous avons assisté à une réaction extraordinaire lors de notre appel pour aider les victimes du séisme au Népal, qui mérite la reconnaissance et l’appréciation. Le Kashag voudrait remercier et exprimer sa profonde reconnaissance à Sa Sainteté le Dalaï Lama pour ses inestimables paroles de sagesse et ses conseils avisés. Nous remercions également de tout notre cœur le peuple tibétain de l’intérieur et de l’extérieur du Tibet qui, à de nombreuses reprises nous a exprimé son soutien.
Le peuple tibétain en exil suit le chemin de la démocratie et a montré un intérêt constant et activement participé à la procédure électorale. Bientôt se tiendra le dernier tour de l’élection du Sikyong ainsi que des membres du Parlement tibétain en exil. Les électeurs sont donc encouragés à participer à cette élection de façon à exercer leurs droits démocratiques, comme spécifié dans la « charte des Tibétains en exil ».
Le Kashag voudrait à cette occasion pour rappeler la bonté des dirigeants des diverses nations qui chérissent la justice, les parlementaires, les intellectuels, les universitaires, les organisations des Droits de l’Homme et les groupes de soutiens au Tibet, qui sont restés fermes dans leur soutien au peuple tibétain. Nous nous souviendrons notamment toujours de la bonté et du soutien incessants du peuple et du gouvernement de la République de l’Inde et les gouvernements d’Etats qui nous ont aidés à préserver et promouvoir notre religion et notre culture, tout en se préoccupant du bien-être de notre peuple en exil. Nous offrons notre profonde gratitude à tous ceux-là.
Finalement, nous prions pour la longue vie et la santé de notre estimé dirigeant Sa Sainteté le Dalaï Lama. Puissent tous ses vœux être exaucés. Puissions-nous parvenir à une immédiate résolution du problème tibétain et surtout, puissent les Tibétains à l’intérieur du Tibet et en dehors se réunir rapidement.
SIKYONG
Note : C’est une traduction de la déclaration en Tibétain. Veuillez traiter la version tibétaine comme définitive et faisant autorité